La formation professionnelle est un pilier essentiel du développement des compétences et de l’employabilité des salariés en France. Les employeurs ont un rôle crucial à jouer dans ce domaine, avec des obligations légales précises à respecter. Ces obligations visent à garantir l’adaptation des salariés à leur poste de travail, à favoriser leur évolution professionnelle et à maintenir leur capacité à occuper un emploi dans un contexte économique en constante mutation. Comprendre ces obligations est essentiel pour les entreprises, non seulement pour se conformer à la loi, mais aussi pour tirer parti des avantages d’une main-d’œuvre qualifiée et motivée.

Cadre légal de la formation professionnelle en france

Le cadre légal de la formation professionnelle en France a connu de nombreuses évolutions au fil des années. La loi du 5 septembre 2018 pour « la liberté de choisir son avenir professionnel » a marqué un tournant majeur dans ce domaine. Cette réforme a profondément modifié le paysage de la formation professionnelle, en redéfinissant les rôles des différents acteurs et en introduisant de nouveaux dispositifs.

L’un des principes fondamentaux de cette loi est de placer le salarié au cœur de son parcours de formation. Elle renforce la responsabilité individuelle tout en maintenant des obligations pour les employeurs. Le Code du travail, notamment dans ses articles L6311-1 et suivants, définit les contours de ces obligations et les droits des salariés en matière de formation professionnelle.

Les employeurs doivent désormais adopter une approche plus proactive dans le développement des compétences de leurs salariés. Cela implique non seulement de proposer des formations, mais aussi d’anticiper les évolutions des métiers et des technologies pour maintenir l’employabilité de leur personnel.

La formation professionnelle continue fait partie de l’éducation permanente. Elle vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, d’acquérir et d’actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle.

Cette définition légale souligne l’importance de la formation tout au long de la vie professionnelle et place l’employeur comme un acteur clé de ce processus continu d’apprentissage et de développement.

Plan de développement des compétences : pilier de la formation

Le plan de développement des compétences, qui remplace l’ancien plan de formation, est devenu l’outil central de la stratégie de formation des entreprises. Il s’agit d’un document qui recense l’ensemble des actions de formation envisagées par l’employeur pour ses salariés.

Élaboration du plan selon la loi avenir professionnel de 2018

La loi Avenir professionnel a introduit une nouvelle approche dans l’élaboration du plan de développement des compétences. Désormais, ce plan doit être conçu en tenant compte des objectifs stratégiques de l’entreprise, des évolutions prévisibles des emplois, et des besoins individuels des salariés. L’employeur doit anticiper les compétences qui seront nécessaires à moyen et long terme pour maintenir la compétitivité de l’entreprise et l’employabilité des salariés.

L’élaboration de ce plan nécessite une analyse approfondie des besoins en formation, qui peut s’appuyer sur plusieurs sources :

  • Les entretiens professionnels avec les salariés
  • Les évaluations annuelles de performance
  • Les évolutions technologiques et réglementaires du secteur
  • Les orientations stratégiques de l’entreprise

Catégorisation des actions de formation obligatoires et non-obligatoires

Le plan de développement des compétences distingue deux catégories d’actions de formation :

Les actions obligatoires sont celles qui conditionnent l’exercice d’une activité ou d’une fonction, en application d’une convention internationale, de dispositions légales ou réglementaires. Ces formations doivent obligatoirement se dérouler pendant le temps de travail et sont intégralement à la charge de l’employeur.

Les actions non-obligatoires sont toutes les autres actions de formation proposées par l’employeur. Elles peuvent, sous certaines conditions et avec l’accord du salarié, se dérouler en tout ou partie hors du temps de travail, dans la limite de 30 heures par an et par salarié.

Financement et mise en œuvre du plan de développement des compétences

Le financement du plan de développement des compétences est à la charge de l’employeur. Cependant, les entreprises peuvent bénéficier de différentes aides et dispositifs pour alléger cette charge financière. Les OPCO (Opérateurs de Compétences) jouent un rôle crucial dans ce domaine, en accompagnant les entreprises, notamment les TPE-PME, dans la mise en œuvre de leur politique de formation.

La mise en œuvre du plan implique une gestion rigoureuse des actions de formation : planification, organisation logistique, suivi des présences, évaluation des acquis. L’employeur doit également veiller à l’équité dans l’accès à la formation, en évitant toute discrimination.

Obligations spécifiques par taille d’entreprise

Les obligations en matière de formation professionnelle varient selon la taille de l’entreprise. Cette différenciation vise à adapter les exigences aux moyens et aux réalités organisationnelles des structures de différentes tailles.

TPE et PME : adaptations et dispositifs d’aide

Pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), la loi prévoit des adaptations et des dispositifs d’aide spécifiques. Ces entreprises, souvent confrontées à des contraintes budgétaires et organisationnelles plus importantes, bénéficient d’un accompagnement renforcé.

Les entreprises de moins de 50 salariés peuvent notamment bénéficier d’un appui particulier des OPCO pour l’élaboration et le financement de leur plan de développement des compétences. Des actions collectives de formation sont également proposées pour mutualiser les coûts et faciliter l’accès à la formation pour les salariés des petites structures.

De plus, ces entreprises peuvent bénéficier de simplifications administratives et de taux de prise en charge avantageux pour certaines formations. L’objectif est de lever les freins à la formation dans les petites structures et de favoriser le développement des compétences de leurs salariés.

Grandes entreprises : exigences accrues et reporting

Les grandes entreprises, disposant de plus de moyens, sont soumises à des exigences plus importantes en matière de formation professionnelle. Elles doivent non seulement élaborer un plan de développement des compétences plus détaillé, mais aussi rendre compte de sa mise en œuvre de manière plus approfondie.

Ces entreprises doivent notamment :

  • Mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC)
  • Assurer un suivi individualisé des parcours de formation des salariés
  • Produire un bilan annuel des actions de formation réalisées
  • Consulter le comité social et économique (CSE) sur la politique de formation de l’entreprise

Le reporting sur les actions de formation est plus exigeant pour ces entreprises, avec l’obligation de fournir des indicateurs détaillés sur les formations réalisées, les bénéficiaires, et les résultats obtenus.

Cas particulier des entreprises de plus de 300 salariés

Les entreprises de plus de 300 salariés sont soumises à des obligations supplémentaires. Elles doivent notamment :

Mettre en place une commission formation au sein du comité social et économique (CSE). Cette commission est chargée de préparer les délibérations du comité sur les orientations de la formation professionnelle dans l’entreprise.

Élaborer un bilan social qui inclut des informations détaillées sur les actions de formation réalisées. Ce document doit être présenté au CSE et mis à disposition de l’inspection du travail.

Ces entreprises doivent également veiller à l’équilibre entre les différentes catégories professionnelles dans l’accès à la formation, et s’assurer que les salariés les moins qualifiés bénéficient d’un accès suffisant aux actions de formation.

Entretien professionnel : outil clé du suivi de formation

L’entretien professionnel est un élément central du dispositif de formation professionnelle en France. Il s’agit d’un moment d’échange privilégié entre l’employeur et le salarié, destiné à examiner les perspectives d’évolution professionnelle du salarié et les formations qui pourraient y contribuer.

Fréquence et contenu légal de l’entretien professionnel

La loi impose que l’entretien professionnel soit organisé tous les deux ans pour chaque salarié. Cette fréquence permet un suivi régulier du parcours professionnel et des besoins en formation du salarié. L’entretien doit aborder plusieurs points clés :

  1. Les perspectives d’évolution professionnelle du salarié, notamment en termes de qualifications et d’emploi
  2. L’identification des compétences du salarié et celles à développer
  3. Les souhaits du salarié en matière de formation
  4. Les dispositifs de formation disponibles et leur utilisation possible
  5. La certification CléA pour les salariés qui n’ont pas de diplôme

L’employeur doit informer le salarié, dès son embauche, de son droit à l’entretien professionnel. Il est crucial de noter que cet entretien ne doit pas être confondu avec l’entretien d’évaluation annuel, qui porte sur la performance du salarié.

Bilan à 6 ans et conséquences en cas de non-respect

Tous les six ans, l’entretien professionnel prend la forme d’un bilan approfondi du parcours professionnel du salarié. Ce bilan récapitulatif doit vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels prévus et apprécier s’il a :

  • Suivi au moins une action de formation
  • Acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de l’expérience (VAE)
  • Bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle

Pour les entreprises d’au moins 50 salariés, le non-respect de ces obligations entraîne des conséquences financières. L’employeur doit alors abonder le compte personnel de formation (CPF) du salarié d’un montant de 3000 euros. Cette sanction vise à inciter les employeurs à respecter scrupuleusement leurs obligations en matière de suivi et de développement des compétences de leurs salariés.

Articulation avec le compte personnel de formation (CPF)

L’entretien professionnel est également l’occasion d’aborder l’utilisation du Compte Personnel de Formation (CPF) du salarié. L’employeur doit informer le salarié sur les possibilités d’abondement de son CPF par l’entreprise et sur les formations éligibles.

Le CPF, géré par la Caisse des dépôts et consignations, permet au salarié de suivre des formations de son choix, indépendamment de son employeur. Cependant, l’articulation entre le CPF et le plan de développement des compétences de l’entreprise peut être discutée lors de l’entretien professionnel, dans une logique de co-construction du parcours de formation du salarié.

L’entretien professionnel est un moment clé pour aligner les aspirations du salarié avec les besoins de l’entreprise en matière de compétences, créant ainsi une synergie bénéfique pour les deux parties.

Formations obligatoires sectorielles et réglementaires

Au-delà des obligations générales en matière de formation professionnelle, certains secteurs d’activité ou certains postes sont soumis à des exigences spécifiques en termes de formations obligatoires. Ces formations visent généralement à garantir la sécurité des salariés et du public, ainsi qu’à maintenir un niveau de compétence adapté aux exigences réglementaires du secteur.

Sécurité et santé au travail : formations CACES, SST, habilitations électriques

Dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail, plusieurs formations sont obligatoires et doivent être renouvelées périodiquement :

La formation CACES (Certificat d’Aptitude à la Conduite En Sécurité) est obligatoire pour les conducteurs d’engins de chantier, de chariots automoteurs ou de plates-formes élévatrices. Cette formation doit être renouvelée tous les 5 ou 10 ans selon les catégories.

La formation SST (Sauveteur Secouriste du Travail) est obligatoire dans certaines entreprises en fonction de leur taille et de leur activité. Elle doit être recyclée tous les 24 mois.

Les habilitations électriques sont obligatoires pour tous les salariés travaillant à proximité ou sur des installations électriques. Le renouvellement est généralement requis tous les 3 ans.

Formation Durée de validité Public concerné
CACES 5 à 10 ans Conducteurs d’engins
SST 24 mois Selon taille et activité de l’entreprise
Habil

itations électriques

3 ans Salariés travaillant près/sur installations électriques

Formations spécifiques aux métiers réglementés

Certains métiers réglementés nécessitent des formations obligatoires spécifiques. Par exemple :

  • Dans le secteur bancaire, la certification AMF (Autorité des Marchés Financiers) est obligatoire pour les conseillers en investissements financiers.
  • Dans le domaine médical, la formation continue des professionnels de santé est obligatoire et encadrée par le Développement Professionnel Continu (DPC).
  • Les agents immobiliers doivent suivre une formation continue obligatoire de 14 heures par an ou 42 heures sur 3 ans.

Ces formations visent à garantir un niveau de compétence élevé et à jour dans ces professions où les enjeux de sécurité, de santé publique ou financiers sont importants.

Mises à jour obligatoires et renouvellements de certifications

De nombreuses certifications professionnelles nécessitent des mises à jour régulières pour rester valides. L’employeur doit veiller à ce que ces renouvellements soient effectués dans les délais impartis. Par exemple :

  • La certification Qualiopi pour les organismes de formation doit être renouvelée tous les 3 ans.
  • Les certifications en cybersécurité comme CompTIA Security+ ou CISSP doivent généralement être renouvelées tous les 3 ans.
  • Dans l’industrie agroalimentaire, la certification HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point) doit être mise à jour régulièrement.

Ces mises à jour permettent de s’assurer que les professionnels restent au fait des dernières évolutions réglementaires et techniques dans leur domaine. L’employeur doit anticiper ces renouvellements et les intégrer dans son plan de développement des compétences.

Sanctions et contrôles du respect des obligations de formation

Le respect des obligations en matière de formation professionnelle fait l’objet de contrôles réguliers et peut donner lieu à des sanctions en cas de manquement. Ces mesures visent à garantir que les employeurs prennent au sérieux leur rôle dans le développement des compétences de leurs salariés.

Rôle de l’inspection du travail dans le contrôle des formations

L’inspection du travail joue un rôle crucial dans le contrôle du respect des obligations de formation. Ses missions incluent :

  • La vérification de la mise en place effective du plan de développement des compétences
  • Le contrôle de la réalisation des entretiens professionnels
  • L’examen des documents relatifs aux formations obligatoires sectorielles
  • La vérification du respect des quotas de formation pour certaines catégories de salariés (par exemple, les seniors ou les travailleurs handicapés)

En cas de contrôle, l’employeur doit être en mesure de fournir tous les justificatifs nécessaires : attestations de formation, feuilles d’émargement, bilans des entretiens professionnels, etc. La tenue rigoureuse de ces documents est donc essentielle.

Pénalités financières et impacts sur la réputation de l’entreprise

Le non-respect des obligations de formation peut entraîner des pénalités financières significatives. Par exemple :

  • Pour les entreprises de 50 salariés et plus, l’absence de réalisation des entretiens professionnels et du bilan à 6 ans peut entraîner une pénalité de 3000 € par salarié concerné.
  • Le défaut de formation en matière de sécurité peut conduire à des amendes pouvant aller jusqu’à 3750 € par infraction constatée.
  • En cas d’accident du travail lié à un manque de formation, la responsabilité pénale de l’employeur peut être engagée.

Au-delà des sanctions financières, le non-respect des obligations de formation peut avoir un impact négatif sur la réputation de l’entreprise. Cela peut affecter son attractivité en tant qu’employeur et sa capacité à retenir les talents.

Une politique de formation solide et respectueuse des obligations légales est un atout pour l’image de marque employeur de l’entreprise.

Contentieux possibles et jurisprudence en matière de formation professionnelle

Les litiges liés à la formation professionnelle peuvent donner lieu à des contentieux devant les tribunaux. La jurisprudence en la matière est riche et évolutive. Quelques points clés à retenir :

  • La Cour de cassation a rappelé que l’obligation d’adaptation au poste de travail et de maintien de la capacité à occuper un emploi est une obligation de résultat pour l’employeur (Cass. soc., 5 juin 2013, n° 11-21.255).
  • Le refus injustifié d’un employeur de former un salarié peut être qualifié de discrimination si ce refus est lié à un motif prohibé (âge, sexe, origine, etc.).
  • L’absence de formation peut être invoquée par un salarié pour contester un licenciement pour insuffisance professionnelle (Cass. soc., 21 avril 2017, n° 15-28.640).

Ces décisions soulignent l’importance pour les employeurs de mettre en place une politique de formation proactive et équitable. Il est crucial de documenter toutes les démarches entreprises en matière de formation pour se prémunir contre d’éventuels contentieux.

En conclusion, les obligations légales des employeurs en matière de formation des salariés sont nombreuses et complexes. Elles nécessitent une attention constante et une gestion rigoureuse. Cependant, au-delà de l’aspect purement réglementaire, une politique de formation bien pensée est un investissement dans le capital humain de l’entreprise. Elle contribue à l’engagement des salariés, à l’amélioration de la productivité et à la compétitivité de l’entreprise dans un environnement économique en constante évolution.