L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) constitue une forme juridique spécifique régie par un cadre légal précis. Cette structure, particulièrement prisée par les entrepreneurs souhaitant créer une société seuls, bénéficie d’un code juridique défini par le législateur français. La compréhension de ce statut juridique s’avère essentielle pour tout créateur d’entreprise envisageant cette forme sociale. Les dispositions légales encadrant l’EURL déterminent non seulement sa création, mais également son fonctionnement, sa fiscalité et sa dissolution éventuelle.

Code juridique EURL : article L223-1 du code de commerce français

L’EURL trouve son fondement juridique principal dans l’ article L223-1 du Code de commerce , qui constitue le socle réglementaire de cette forme sociale. Cette disposition légale définit l’EURL comme une société à responsabilité limitée ne comprenant qu’un seul associé, personne physique ou morale. Le texte précise que « la société à responsabilité limitée est instituée par une ou plusieurs personnes qui ne supportent les pertes qu’à concurrence de leurs apports ».

Les articles L223-1 et suivants du Code de commerce établissent un cadre juridique complet pour les SARL, dont l’EURL constitue la variante unipersonnelle. Cette réglementation couvre l’ensemble des aspects juridiques : constitution, capital social, gérance, décisions de l’associé unique, et dissolution. L’article L223-31 spécifie notamment que « l’associé unique exerce les pouvoirs dévolus à l’assemblée des associés » et que « ses décisions sont répertoriées dans un registre ».

Le code juridique attribué à l’EURL par l’INSEE correspond au 5499 dans la nomenclature officielle des catégories juridiques. Cette classification administrative permet l’identification précise du statut lors des démarches d’immatriculation et de gestion administrative. Cependant, il convient de noter que depuis 2020, cette catégorie a été supprimée au profit du code 5498 pour « SARL unipersonnelle », reflétant une harmonisation terminologique.

L’EURL bénéficie d’un statut juridique hybride, empruntant à la fois aux sociétés de capitaux et aux sociétés de personnes, ce qui lui confère une flexibilité appréciable pour l’entrepreneur individuel.

Procédure d’immatriculation EURL au registre du commerce et des sociétés

Dépôt du dossier de constitution auprès du centre de formalités des entreprises

La constitution d’une EURL nécessite le dépôt d’un dossier complet auprès du Centre de Formalités des Entreprises (CFE) ou directement via le guichet unique électronique. Ce dossier comprend les statuts signés, l’attestation de dépôt des fonds, la déclaration de non-condamnation du gérant, et l’avis de parution dans un journal d’annonces légales. L’ensemble de ces pièces constitue le fondement juridique de l’existence de la société.

Les statuts de l’EURL doivent impérativement mentionner certaines clauses obligatoires : la forme juridique, la dénomination sociale, l’objet social, le siège social, la durée de vie de la société et le montant du capital social. Ces informations permettent l’identification précise de l’entité juridique et déterminent son cadre d’activité. La rédaction des statuts suit un formalisme strict défini par les articles L223-2 et suivants du Code de commerce.

Attribution du numéro SIREN par l’INSEE lors de l’immatriculation

L’INSEE attribue automatiquement un numéro SIREN à l’EURL lors de son immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés. Ce numéro d’identification unique, composé de 9 chiffres, constitue l’identifiant officiel de l’entreprise pour l’ensemble de ses relations avec les administrations. Le système SIREN (Système d’Identification du Répertoire des Entreprises) centralise toutes les informations relatives aux entreprises françaises.

Le numéro SIREN de l’EURL reste invariable durant toute l’existence de la société, même en cas de changement de siège social, de dénomination ou d’activité. Cette permanence garantit la traçabilité administrative et facilite les démarches ultérieures. L’attribution de ce numéro déclenche également la création du numéro SIRET pour chaque établissement de la société, complétant ainsi l’identification géographique des activités.

Obtention du kbis EURL avec mention du statut juridique

L’extrait Kbis constitue la « carte d’identité » officielle de l’EURL et mentionne explicitement son statut juridique. Ce document, délivré par le greffe du tribunal de commerce, atteste de l’existence légale de la société et de son immatriculation au RCS. Il précise notamment la forme juridique « SARL unipersonnelle » ou « EURL », confirmant ainsi le cadre réglementaire applicable.

Le Kbis de l’EURL indique l’ensemble des informations essentielles : numéro SIREN, code APE, adresse du siège social, nom du gérant, montant du capital social, et éventuelles procédures collectives. Ce document officiel s’avère indispensable pour de nombreuses démarches : ouverture de compte bancaire professionnel, signature de contrats commerciaux, ou candidature à des appels d’offres publics.

Délais réglementaires d’immatriculation selon le décret n°2009-234

Le décret n°2009-234 du 25 février 2009 fixe les délais maximaux d’immatriculation à 7 jours ouvrables à compter de la réception du dossier complet. Ce délai peut être prolongé à 15 jours en cas de dossier incomplet nécessitant des pièces complémentaires. L’administration dispose d’un délai de 48 heures pour notifier les éventuelles irrégularités constatées dans le dossier de création.

En pratique, l’immatriculation d’une EURL s’effectue généralement sous 3 à 5 jours ouvrables lorsque le dossier est correctement constitué. Les délais peuvent varier selon la charge de travail des greffes et la période de l’année. Le recours au guichet unique électronique tend à accélérer ces démarches et permet un suivi en temps réel de l’avancement du dossier.

Régime fiscal EURL : options IR et IS selon l’article 8 du CGI

Imposition sur le revenu par défaut pour l’associé unique personne physique

L’EURL dont l’associé unique est une personne physique relève automatiquement du régime fiscal de l’impôt sur le revenu (IR) selon l’article 8 du Code général des impôts. Cette imposition transparente signifie que les bénéfices de la société sont directement imposés au nom de l’associé unique, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices non commerciaux (BNC) selon la nature de l’activité exercée.

Ce régime fiscal présente l’avantage de permettre l’imputation des déficits éventuels sur les autres revenus de l’associé unique. De plus, les cotisations sociales du gérant associé unique sont calculées sur l’ensemble des bénéfices de l’EURL, qu’ils soient distribués ou laissés en réserve. Cette particularité distingue fondamentalement l’EURL à l’IR des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés.

Option pour l’impôt sur les sociétés selon l’article 239 bis AB du CGI

L’EURL peut opter pour l’impôt sur les sociétés (IS) en application de l’article 239 bis AB du Code général des impôts. Cette option doit être exercée avant la fin du troisième mois de l’exercice au titre duquel la société souhaite être imposée à l’IS pour la première fois. L’option est irrévocable pendant une période de 5 ans, sauf renonciation expresse dans les conditions définies par l’administration fiscale.

Sous le régime de l’IS, l’EURL bénéficie du taux réduit de 15% sur la tranche de bénéfices allant jusqu’à 42 500 euros, sous réserve que son chiffre d’affaires n’excède pas 10 millions d’euros. Au-delà de ce seuil, le taux normal de 25% s’applique. Cette option modifie également le régime social du gérant associé unique, puisque ses cotisations sont alors calculées uniquement sur sa rémunération et la partie des dividendes excédant 10% du capital social.

Régime micro-entreprise et conditions d’éligibilité BIC/BNC

L’EURL soumise à l’IR peut bénéficier du régime micro-entreprise lorsque l’associé unique personne physique exerce également les fonctions de gérant. Les seuils d’éligibilité s’établissent à 188 700 euros pour les activités de vente de marchandises et à 77 700 euros pour les prestations de services. Ce régime simplifié dispense de la tenue d’une comptabilité commerciale et applique un abattement forfaitaire pour charges sur le chiffre d’affaires.

Sous ce régime, l’EURL déclare simplement son chiffre d’affaires mensuel ou trimestriel et acquitte ses cotisations sociales selon un pourcentage fixe. Cette simplification administrative s’avère particulièrement attractive pour les petites activités, mais elle impose des contraintes en termes de développement et de croissance. Le dépassement des seuils entraîne automatiquement la sortie du régime micro-entreprise.

TVA EURL : assujettissement et franchises selon l’article 293 B du CGI

L’EURL est soumise aux règles de TVA communes à l’ensemble des entreprises, avec possibilité de bénéficier de la franchise en base selon l’article 293 B du CGI. Les seuils de franchise s’établissent à 91 900 euros pour les activités de vente et 36 800 euros pour les prestations de services. Au-delà de ces montants, l’assujettissement à la TVA devient obligatoire avec toutes les obligations déclaratives afférentes.

L’option pour l’assujettissement à la TVA reste possible même en dessous des seuils, permettant à l’EURL de récupérer la TVA sur ses achats professionnels. Cette décision stratégique dépend de la nature de l’activité et du montant des investissements prévus. L’assujettissement volontaire peut se révéler avantageux pour les entreprises réalisant des achats importants soumis à TVA.

Responsabilité juridique limitée de l’associé unique EURL

La responsabilité de l’associé unique d’une EURL se limite strictement au montant de ses apports au capital social, conformément au principe fondamental des sociétés à responsabilité limitée. Cette protection patrimoniale constitue l’un des attraits majeurs de ce statut juridique, permettant à l’entrepreneur de préserver ses biens personnels en cas de difficultés de la société. Le patrimoine personnel de l’associé demeure donc théoriquement à l’abri des créanciers professionnels.

Cependant, cette limitation de responsabilité connaît des exceptions importantes. Lorsque l’associé unique exerce également les fonctions de gérant, sa responsabilité peut être étendue en cas de faute de gestion caractérisée. Les tribunaux retiennent notamment la responsabilité du dirigeant en cas de déclaration de cessation des paiements tardive, de confusion des patrimoines, ou de violation des obligations légales. Ces situations peuvent conduire à l’engagement du patrimoine personnel du gérant.

La pratique bancaire limite souvent cette protection théorique par l’exigence de cautions personnelles. Les établissements financiers demandent fréquemment au gérant associé unique de se porter caution des engagements de l’EURL, notamment pour l’octroi de crédits ou la mise à disposition de facilités de trésorerie. Cette caution personnelle réintroduit une responsabilité illimitée sur les biens personnels, remettant partiellement en cause l’avantage initial de la limitation de responsabilité.

La responsabilité limitée de l’EURL offre une sécurité juridique appréciable, mais elle ne dispense pas l’entrepreneur d’une gestion rigoureuse et du respect des obligations légales.

Les créanciers publics (URSSAF, administration fiscale) bénéficient de prérogatives particulières leur permettant, dans certaines circonstances, de poursuivre le dirigeant sur ses biens personnels. Le droit de gage général de l’administration s’étend aux dettes sociales en cas de manquements graves ou répétés aux obligations déclaratives. Cette extension de responsabilité constitue un risque significatif que l’associé unique doit intégrer dans sa gestion quotidienne.

Transformation EURL vers SARL ou SAS : modalités légales

Procédure de transformation selon les articles L223-42 et suivants

La transformation d’une EURL vers une SARL s’opère automatiquement dès l’entrée d’un nouvel associé, sans nécessiter de formalités particulières autres que la modification des statuts. Les articles L223-42 et suivants du Code de commerce encadrent cette procédure de transformation qui préserve la personnalité morale de la société. Cette continuité juridique évite la dissolution-liquidation de l’EURL et la création d’une nouvelle société.

La transformation vers une SAS nécessite une démarche plus formalisée avec l’adoption de nouveaux statuts adaptés à cette forme sociale. L’associé unique doit prendre une décision de transformation et procéder aux formalités d’enregistrement auprès des services fiscaux. Cette procédure implique souvent la refonte complète de l’organisation sociale, notamment en matière de gouvernance et de prise de décisions.

Formalités modificatives auprès du greffe du tribunal de commerce

Toute transformation d’EURL exige le dépôt d’un dossier modificatif au greffe du tribunal de commerce comprenant les nouveaux statuts, un procès-verbal de décision de transformation, et une attestation de parution d’avis modificatif. Ces f

ormalités garantissent la régularité de la transformation et permettent la mise à jour du registre du commerce et des sociétés. Le greffe vérifie la conformité des pièces et procède à l’inscription modificative dans un délai de 8 jours ouvrables.

La publicité légale de la transformation s’effectue par la publication d’un avis dans un journal d’annonces légales du département du siège social. Cet avis doit mentionner l’ancienne et la nouvelle forme juridique, ainsi que les principales modalités de la transformation. Cette formalité de publicité protège les tiers en les informant du changement de statut de la société.

Impact fiscal de la transformation sur l’imposition des bénéfices

La transformation d’une EURL vers une SARL ne modifie pas automatiquement le régime fiscal applicable, qui reste déterminé par les options antérieures de la société. Si l’EURL était soumise à l’impôt sur le revenu, la SARL nouvellement constituée conserve ce régime sauf demande expresse de changement d’option. Cette continuité fiscale évite les complications liées aux changements de régime d’imposition et préserve la situation antérieure.

En revanche, la transformation vers une SAS entraîne obligatoirement l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés, la SAS ne pouvant bénéficier du régime des sociétés de personnes. Cette modification fiscale peut générer des conséquences importantes sur l’imposition des bénéfices et la distribution des dividendes. L’entrepreneur doit anticiper ces effets fiscaux lors de sa décision de transformation.

Les plus-values latentes présentes dans le patrimoine de l’EURL au moment de la transformation bénéficient généralement d’un sursis d’imposition, sous réserve du respect des conditions légales. Cette neutralité fiscale temporaire facilite les opérations de transformation en évitant l’imposition immédiate des gains non réalisés. Cependant, ces plus-values seront imposées lors de la cession ultérieure des biens concernés.

Dissolution et liquidation EURL : cadre juridique du code de commerce

La dissolution de l’EURL peut intervenir de plein droit ou sur décision de l’associé unique, selon les modalités prévues aux articles L223-43 et suivants du Code de commerce. La dissolution de plein droit résulte de l’arrivée du terme fixé dans les statuts, de la réalisation ou de l’extinction de l’objet social, ou encore de la réunion en une seule main de toutes les qualités d’associé et de créancier. Cette dissolution automatique ne nécessite aucune formalité particulière mais doit faire l’objet d’une constatation officielle.

La dissolution volontaire anticipée constitue la procédure la plus courante et relève de la seule décision de l’associé unique. Cette décision doit être consignée dans le registre des décisions et faire l’objet des formalités de publicité légale. L’associé unique nomme simultanément un liquidateur, qui peut être lui-même ou un tiers, chargé de procéder aux opérations de liquidation de la société.

La liquidation de l’EURL suit les règles applicables aux SARL, avec des simplifications liées à la présence d’un associé unique. Le liquidateur établit un inventaire du patrimoine social, procède au recouvrement des créances et au règlement des dettes, puis répartit le boni de liquidation. Lorsque l’associé unique est une personne physique, la transmission du patrimoine s’effectue sans droits de mutation, constituant un avantage fiscal significatif par rapport à d’autres formes sociales.

La dissolution d’une EURL offre une souplesse remarquable grâce à l’absence de conflits entre associés et à la simplification des procédures de liquidation.

Les formalités de clôture de liquidation comprennent l’approbation des comptes de liquidation, le dépôt des comptes au greffe du tribunal de commerce, et la radiation de la société du registre du commerce et des sociétés. Cette radiation marque la fin de la personnalité morale de l’EURL et la cessation définitive de son activité. L’ensemble de ces démarches peut être réalisé dans un délai relativement court, généralement de 2 à 6 mois selon la complexité du patrimoine à liquider.

En cas de difficultés financières, l’EURL peut faire l’objet d’une procédure collective de redressement ou de liquidation judiciaire, suivant les mêmes règles que les autres sociétés commerciales. Ces procédures, régies par le Code de commerce, visent soit au redressement de l’entreprise en difficulté, soit à sa liquidation ordonnée sous contrôle judiciaire. L’associé unique conserve un rôle limité dans ces procédures, l’administration de la société étant confiée à un mandataire judiciaire.